Le 14 avril dernier, organisations patronales et syndicales sont parvenues à un accord sur la modernisation du paritarisme. Pierre Jardon, conseiller confédéral en charge du dialogue social, a mené les négociations pour la CFTC. Il décrypte les enjeux de cet accord national interprofessionnel (ANI).
Dans quel contexte s’est ouverte la négociation pluripartite sur le paritarisme et le dialogue social ?
Nous (organisations patronales et syndicales représentatives, Ndlr) avons commencé à discuter en 2021, conformément à l’agenda social autonome fixé par le Medef, sur la modernisation du paritarisme dans un premier temps. Il s’agissait de faire le bilan de l’accord signé en 2012, consacré au paritarisme de gestion (organisation et gouvernance des organismes que nous gérons paritairement, tels qu’Action Logement ou l’Unédic…).
Dans un deuxième temps, nous avons discuté sur le paritarisme de négociation, indispensable dans un contexte politique de début de quinquennat et de problème de dialogue social avec les pouvoirs publics, l’État ayant tendance à grignoter les prérogatives des partenaires sociaux.
Les discussions ont abouti à un ANI, le 14 avril dernier. Quelles en sont les grandes lignes ?
L’accord définit trois grands objectifs. Le premier, indispensable, est de fixer un cadre pour les négociations interprofessionnelles, inexistant jusqu’à maintenant.
Nous sommes satisfaits. Cela fait des années qu’à la CFTC nous demandons la création d’un cadre permanent pour structurer la négociation interprofessionnelle.
L’accord dote ainsi les partenaires sociaux d’un espace de dialogue permanent pour débattre et négocier en toute autonomie, y compris au-delà des sollicitations du Gouvernement.
Ce cadre reprend en grande partie l’idée d’un Comité paritaire permanent du dialogue social (C2PDS), maintes fois défendue par la Confédération depuis dix ans. Avant les 31 janvier de chaque année sera élaboré un agenda économique et social autonome. Et nous établirons annuellement un bilan des travaux conduits.
Quels sont les autres volets de cet accord sur le paritarisme ?
Le deuxième est capital : il s’agit de clarifier l’articulation des rôles respectifs des partenaires sociaux et des pouvoirs publics, rééquilibrer la démocratie sociale et la démocratie politique. En effet, depuis quelques années, les pouvoirs exécutif et législatif ont tendance à s’inviter là où ils ne devraient pas : l’exemple de la réforme de l’assurance chômage est à ce titre très parlant.
Le gouvernement avait mis à l’époque une feuille de cadrage ‒ la loi Larcher de 2007 ne devait aboutir qu’à la production d’un « document d’orientation » ‒ tellement restrictive qu’elle nous empêchait de négocier ! Petit à petit, on constate que le Gouvernement fait ses réformes et qu’il passe outre la négociation. Il est urgent de respecter les prérogatives de chacun.
Et le troisième objectif ?
C’est de faire progresser le paritarisme de gestion en premier lieu vis-à-vis des bénéficiaires : évaluer le service rendu, améliorer l’accès aux droits. Il s’agit aussi de parfaire et compléter les règles de fonctionnement, de transparence et de gestion du paritarisme.
La CFTC a été particulièrement vigilante à ce que les actuelles modalités de financement du paritarisme ne soient pas remises en cause. Nous avons aussi demandé que ce financement transite par l’AGFPN (1), pour plus de transparence.
(1) Association de gestion du Fonds paritaire national: fonds pour le financement du dialogue social.
Si nous avons réaffirmé l’importance de la formation des administrateurs, nous avons aussi obtenu la mise en place d’un groupe de travail sur les moyens qui leur sont dévolus et la reconnaissance/valorisation de leurs compétences.
Êtes-vous satisfait de cet ANI ?
Oui, parce qu’il va redynamiser le dialogue social, un peu étouffé lors du dernier quinquennat. Avec cet accord, les partenaires sociaux témoignent de leur volonté de peser dans le débat public, dans le respect des prérogatives de chacun. Ils réaffirment leur volonté de donner plus de visibilité à la démocratie sociale, au service des salariés et des entreprises.
Néanmoins, je vais rester très vigilant et vérifier que les modalités décidées soient bien appliquées. Il est tellement facile de rester dans les vieilles habitudes. À la CFTC, nous serons intransigeants quant au respect des dispositions de l’accord afin de garantir la qualité du dialogue social. Nous serons vigilants pour que l’ANI soit rapidement effectif et qu’il vive dans la durée.
Propos recueillis par Julie Lévy-Marchal
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